Cambremer - La Résidence Episcopale (in French only)

Auteur : Marie CASSET
Extrait d'une thèse de Doctorat
"Les résidences rurales et semi-rurales des Archevêques et Évêques au moyen-âge"
tome 2, p 33 à 40  Université du Maine, 1999

INDEX - Résidence épiscopale

1 - LE CONTEXTE DE L' INSTALLATION

2 - LES PREMIERS TEMPS DE LA RÉSIDENCE

3 - UN MANOIR DIFFICILE A DÉFINIR

CONCLUSION

1- Le contexte de l'installation

1-1. Situation et site (Pl. Il et XXII).

L'agglomération de Cambremer se déploie à environ 54 kilomètres à l'est de Bayeux et à 13 kilomètres à l'ouest de Lisieux. Nous sommes ici dans la quart nord-ouest du diocèse de Lisieux.

Cambremer est en plein Pays d'Auge, pays de collines de craie recouvertes par endroits de limons quaternaires4 Le village s'est développé au confluent de plusieurs ruisseaux dont la Dorette coulant vers le nord, tous affluents de la Dives (Pl. XXIII et XXIV).

1-2. Une zone d'occupation ancienne.

Un certain nombre d'indices attestent, sur l'emprise de la commune, d'une occupation humaine ancienne qui ne semble pas avoir connu d'interruptions véritablement discernables5.

Un éperon barré protohistorique s'élève à environ  3 kilomètres à l'ouest du village au lieu-dit le Montargis. On a retrouvé, à Cambremer, des vestiges d'occupation gallo-romaine : tuiles et maçonneries. En outre, l'agglomération se trouve à environ 1 kilomètre au nord du tracé de la voie ancienne est-ouest de Lisieux vers Vieux, au sud-ouest de Caen6.

L'occupation qui s'est poursuivie au Haut Moyen Age est révélée par un certain nombre d'indices. Une nécropole, malheureusement mal datée, a été mise au jour à l'ouest du bourg ; le nom même de l'agglomération, attesté à la fin du VIle siècle, pourrait être issu d'un grand domaine entre les mains d'un propriétaire d'origine germanique7. Enfin, la dédicace de l'église à saint Denis8 peut être considérée comme l'indice de l'installation précoce, dès le VIe siècle voire le Ve siècle, d'un lieu de culte privé, oratoire de domaine, ou d'une paroisses9. La région est réputée avoir été christianisée dans la première moitié du VI9. La région est réputée avoir été christianisée dans la première moitié du VIe siècle par saint Vigor, évêque de Bayeux10. La dédicace de neuf églises du canton de Cambremer à saint Martin confirmerait cette implantation précoce du christianisme.

3 - Calvados. Arr. de Lisieux, cant. de Cambremer.
4 - F. DORE, Guides géologiques régionaux, Normandie, Paris, 1977, p. 57-60 et 128.
5 - F. DF-LACAMPAGNE, Carte archéologique de la gaule, le Calvados, (14), Paris, 1990.5a - L. MUSSET, "Les domaines de l'époque franque et les destinées du régime domanial du IXe au XIe siècle", BSAN, XLIX, 1942-1945, p. 45-50.
6 -
D. BERTIN, "Voies et sites gallo-romains de la Basse-Normandie", AN, 1975, 1, p. 67-68. P. LANNIER, "Les voies de communication antiques de la cité des Lexovii", AN, 1985, 2, p. 209.
7 -
Cambrimarun en 699, ds. A. LONGNON, Les noms de lieu de la France, Paris, 1920-1929 et J. ADIGARD des GAUTRIES. "Les noms de lieux attestés entre 911 et 1066", AN. 3. 1952.
8 - Le clocher roman est la partie la plus ancienne de l'église actuelle.
9 - M. AUBRUN, Laparoisse en France des origines au XVe sièges, Pads, 1986, p. 15-39.
10 - A. GUILMETH, Notices sur diverses localités du département du Calvados. Cambremer, Rouen, sd

2 - Les premiers temps de la résidence

2 -1. Entrée dans le temporel et incertitudes concernant la baronnie aux XIe et XIIe siècles.

Les évêques de Bayeux sont possessionnés à Cambremer et dans sa région, à Manerbe, depuis au moins 1035 -1037, ainsi que l'atteste le recensement des domaines et terres de l'Église de Bayeux réalisé par l'évêque Hugues d'Ivry (1011/1015-1049)11. A cette date, la seigneurie est déjà lourdement dotée de droits d'origine publique révélés par la formule leucam de Cambremer. Cette disposition implique le droit de lever des tonlieux et peut-être aussi celui d'exercer la haute justicel2.

Nous ne disposons d'aucun indice pour détecter avec certitude la date et les conditions d'entrée de ce domaine dans les biens de l'évêché de Bayeux. Faut-il y voir l’œuvre de l'évêque Hugues d'Ivry réputé pour avoir reconstitué le temporel de l'évêché qui avait beaucoup souffert des usurpations laïques sous le règne de Robert le Magnifique13 et de ses prédécesseurs ? Dans ce cas, on s'interroge sur les modalités de la transaction : s'agit-il d'une acquisition pure et simple ou d'une restitution ? Cette dernière hypothèse impliquerait une possession plus ancienne alors que le caractère primitivement ecclésiastique des terres n'avait pas été oubliél14.

La documentation fait défaut pour apporter une réponse , mais, en tout état de cause, la baronnie de Cambremer pourrait être la lointaine héritière d'un ancien domaine attesté en 69915.

Une autre question peut dès maintenant être posée : à quand faire remonter le service militaire auquel sont assujettis les vassaux de la baronnie de Cambremer et de son appendice de Manerbe ? Ce service attesté tardivement, au XVe siècle, est dû au château de Neuilly-la-Forêt, à plus de 80 kilomètres de làl6. Nous ne disposons pas des sources suffisantes pour élucider le mécanisme qui a lié les hommes de la baronnie de Cambremer au château de Neuilly, mais Il pourrait s'être mis en place pendant le siècle tourmenté qui a suivi le recensement d'Hugues d'Ivry.

Entre 1082 et 1130/1140, le temporel de l'évêché de Bayeux est soumis à des pressions qui l'anéantissent en partiel7. Les bulles des papes Urbain Il et Eugène III et les enquêtes ordonnées par Geoffroy Plantagenêt et Henri Il d'Angleterre, sous la pression de l'évêque Philippe de Harcourt (1142-1163), permettent de reconstituer les avatars du temporel et plus particulièrement de la baronnie de Cambremer pendant cette période.

Lorsque l'évêque Odon de Conteville est emprisonné en 1082, les biens de l'évêché tombent sous la tutelle de l'administration ducale en 1095, ils n'ont pas tous été restitués18.

Entre 1097 et 1142, les successeurs d'Odon, Turold d'Envermeu (1097-1106), Richard de Douvres (1107-1133) et Richard de Kent (1135-1142), aliènent une partie du temporels19.

A partir de 1142, l'évêque Philippe de Harcourt (1142-1163) entreprend avec acharnement la reconstitution du temporel de son Eglise2O. En 1144 et 1151/1152, Geoffroy Plantagenêt puis Henri Il font enquêter sur la banlieue de Cambremer et les droits que l'évêque y possède. Enfin, vers 1154, Henri Il confirme la banlieue de Cambremer à Philippe de Harcourt, telle que ses prédécesseurs la tenaient du temps du roi GuillauMe2l.

11 - Livre Noir, Rouen, I, p. 28-29.
12 -
L'enquête ordonnée en 1144, sur la condition de la banlieue de Cambremer, au temps de Henri 1er, constate que, outre le droit de tonlieu, la coutume comprend la haute justice, teloneum statutum ... similiter et sanguinis... L.MUSSET considère que ces deux droits étaient liés et relevaient à l'origine de la puissance publique, ds. "Recherches sur les tonlieux en Normandie à l'époque ducale", Autour du pouvoir ducal normand (Xe,VIle siècles), Cahier des AN, 17, 1985, p. 67.
14 -
L. MUSSET, "Les domaines de l'époque franque et les destinées du régime domanial du IXe au XIe siècle", BSAN, XLIX, 1942-1945, p. 45-50.
15 -
M. DALIPHARD, "Seigneurs et châteaux dans le Pays d'Auge aux XIe au XIIe siècles. Introduction à une étude archéologique de l'habitat seigneurial fortifié", École Nationale des Chartes, Positions de Thèses, Paris, 1981, p. 77 et 79.
16 -
La paroisse de Cambremer est entre les mains de l'évêque. Les vassaux des paroisses voisines de Montreuil, Grandouet, Victot, Ponfol, Manerbe, Fumichon, Saint-Laurent-de-Mont, Canchy et Vendeuvre doivent le service au château de Neuilly (voir p79).
17 -
S.E. GLEASON, An ecclesiastical barony of the Middle Ages. The bishopric of Bayeux, 1066-1204, Cambridge, Harvard University press, 1936.
18 -
1095, lettre du pape Urbain Il à l'archevêque de Rouen, ds. Livre Noir, I, p. 213-214.
19 -
1145, lettre du pape Eugène III qui annule les aliénations faites par les successeurs d'Odon et qui ordonne la restitution des biens usurpés, ds. Livre Noir, I, p. 214-215.
20 -
V. BOURIENNE, Philippe de Harcourt, Paris, 1930,
21 -
Livre Noir, I, p. 51-53, 46, 24, 15.

 

2-2. L'exemption de Cambremer.

La terre de Cambremer est incluse dans les limites du diocèse de Lisieux (Pl. XXII) et en a dépendu jusqu'à une date inconnue. En dehors de toute confirmation, on considère que son rattachement au diocèse de Bayeux serait intervenu pendant l'épiscopat de Robert de Ablèges (1206-1231). Celui-ci aurait procédé à un échange avec l'évêque de Lisieux, Jourdain du Hommet (1193-1215) qui venait de fonder dans le diocèse de Bayeux, près de Nonant, sur des terres qui lui appartenaient, l'abbaye de Juaye-Mondaye : Nonant avec Juaye-Mondaye contre Cambremer22.

22 - F. NEVEUX, "Les diocèses normands aux XIe et XIIe siècles", ds. P. BOUET et F. NEVEUX (dir.) Les évêques normands au XIe siècle, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (1993), Caen, 1995, p. 17.

3 - Un manoir difficile à définir

3 - 1. Localisation et emprise de la résidence (Pl. XXV).

voir la planche

Les sources ne permettent pas de préciser quand les évêques de Bayeux ont décidé d'une résidence à Cambremer. En effet, la première attestation d'une résidence à Cambremer figure dans un acte de l'évêque, Guillaume de Trie qui, en 1313, achète une terre qui jouxte son château (castellum)23. Mais la seule mention d'un sénéchal, attesté en 122724, laisse présager, à cette date, l'existence d'une résidence épiscopale qui pourrait avoir abrité un des responsables de l'administration du domaine25. Ce témoignage relativement tardif ne peut que difficilement être pris en compte pour affirmer que c'est au XIlle siècle que les évêques de Bayeux ont fait édifier leur résidence de Cambremer.

La localisation précise de la résidence des évêques de Bayeux à Cambremer se heurte à un certain nombre de handicaps difficiles à surmonter. Les érudits locaux, au XIXe siècle26, et les villageois d'aujourd'hui en ont perdu le souvenir. En 1790, la vente des biens de l'évêché de Bayeux sur le territoire de la commune ne mentionne que des moulins, des halles et des étaux27.

Les sources médiévales apportent un embryon de réponse : la résidence était voisine du cimetière et devait posséder, un vivier28. Sur le cadastre de 1811, et encore aujourd'hui, un groupe de parcelles pourrait correspondre à ces détails. Il est situé à l'ouest de l'église, dont il est séparé actuellement par une rue. Les faces sud et ouest sont longées par la rivière Dorette et par ce qui paraît en être une dérivation ; la route de Caen (route d'Englesqueville)longe la face nord.

Le pignon ouest d'une des maisons sises dans l'enclos présente des caractéristiques tout à fait particulières qui inclinent à y voir des vestiges d'un édifice médiéval qui pourrait avoir été le manoir épiscopal.

L'intimité du manoir avec l'église est tout à fait remarquable et peut alimenter l'hypothèse d'une chapelle de grand domaine devenue église paroissiale. Dans ce cas, on doit alors envisager que les évêques de Bayeux ont réoccupé un site porteur d'une symbolique ancienne du pouvoir ecclésiastique ou non. La présence du manoir à stoppé, à cet endroit l'extension du village, au moins jusqu'au début du XIXe siècle.

 

Un indice, issu du parcellaire encore en place sur le cadastre napoléonien, pourrait confirmer cette localisation. En effet, au sud de l'enclos et enserrées par deux voies nord-sud, se déploient cinq très grandes parcelles dont la superficie est nettement supérieure à celle des autres parcelles du terroir. Nous aurions ici, fossilisées jusqu'au début du XIXE siècle, les parcelles de la réserve attenantes à la résidence.

Quoiqu'il en soit, l'identification qui vient d'être faite et la discussion qui suit ne peuvent être considérées que comme des hypothèses vraisemblables que des recherches archéologiques sur le site devraient confirmer ou infirmer.

Tel que nous pouvons l'appréhender sur le plan du cadastre de 1811, l'ensemble de la résidence devait couvrir une superficie d'environ 7000 mètres carrés.

Nous savons qu'au début du XIVe siècle les évêques Guillaume Bonnet (1306-1312) et Guillaume de Trie (1312-1324) en ont vraisemblablement étendu l'emprise primitive en achetant, à quatre reprises, des parcelles bâties qui la jouxtaient.

23 - ANQUETIL, Livre Rouge de l'évêché de Bayeux, 1908-1909, 1, p. 355. Désormais Livre Rouge.
24 -
L.. DELISLE, Recueil des jugements de l'échiquier de Normandie au XIlle siècle, Paris, 1864, p.102-103.
25 -
Les châteaux, en l'absence du seigneur, abritaient un personnel peu nombreux au nombre desquels figure souvent le sénéchal ou le receveur.
26 -
A. GUILMETH, Notices sur diverses localités du département du Calvados, Cambremer, Rouen, sd.
27 -
ADC, 1Q3 28.
28 -
En 1312, l'évêque Guillaume Bonnet achète une terre près de son vivier; en 1316, l'évêque Guillaume de Trie achète un terrain, portant une maison, qui se trouve près de la résidence et qui jouxte le cimetière, ds. Livre rouge I, p. 359 et 357

3-2. Une maison forte ?  (castellum, motte, halia, haulia.)

 Les sources médiévales sont avares de notations sur la résidence de Cambremer, aucun séjour épiscopal n'y est attesté et nous ne la rencontrons qu'au travers d'achats de terres dans le premier quart du XiVe siècle. Les termes pour la désigner sont déconcertants et hétéroclites (Pl. VII).

En 1313, l'évêque, Guillaume de Trie, achète une terre près de son château (castellum)29. En 1316, le même évêque procède à deux achats de terre près de son hall (halla et haulia)30.

Enfin, en 1327, une terre est dite sise près de la motte du manoir 31

Si le terme manoir désigne l'ensemble de la résidence, les autres formules sont plus délicates à interpréter, d'autant que le rédacteur semble les avoir utilisées dans la même acception, au même titre que manoir, pour désigner l'ensemble de la résidence.

Castellum possède un sens générique très vaste et peut servir à désigner des réalités de dimensions et d'emprise très variables. Chez Dudon de Saint-Quentin, au Xe siècle, castelium peut aussi bien désigner une ville fortifiée qu'une forteresse rurale32. Dans les textes des XIe et XIIe siècles il continue de désigner une forteresse ou des bastilles de siège33.

Mais rien, à Cambremer, ne laisse penser que les évêques de Bayeux y possédaient une forteresse.

Une autre piste s'impose lorsqu'on sait que castellum peut désigner une motte34 et, dans ce cas, le castellum de 1313 serait traduit, en 1327, par le terme motte. Sur le terrain aucun vestige de motte n'a été observé. Il arrive, cependant, qu'une structure ne revête pas la forme d'une motte alors qu'elle en porte le nom35. Il faudrait alors envisager que le ou les auteurs des deux actes de 1313 et de 1327 ont transmis avec emphase, par le vocabulaire, une réalité moins fortement typée qu'une forteresse mais néanmoins imposante par la place qu'elle occupe dans le paysage de l'agglomération et la position de son détenteur, l'évêque de Bayeux.

Dans ce cas, la résidence de Cambremer pourrait être qualifiée de maison forte. En effet, le vocabulaire du XIVe siècle, pour la désigner, correspond à des observations plus générales relevées par J.M. Pesez. Ce dernier constate que, dans la langue des XIVe et XVe siècles, le terme motte désigne des structures édifiées sur une plate-forme peu élevée, voire absente, inscrites à l'intérieur de fossés36. A Cambremer, les deux faces ouest et sud du quadrilatère que nous considérons sont longées par deux légères dépressions empruntées par des ruisseaux. Mais nous ne pouvons pas affirmer que le complexe était également ceinturé d'un mur doté d'éléments de flanquement, telles que bretèches et tourelles37.

Halla et haulla désignent aussi, en 1316 et 1318, la résidence de Cambremer, le complexe dans son ensemble et non un des bâtiments de la résidence. Le terme est ambigu ; il sert, le plus souvent, à désigner les halles des marchés38 et nous pourrions à juste titre l'interpréter ainsi à Cambremer qui possède depuis longtemps un marché.

Mais quelques indices permettent d'attribuer à ce halla/haulla de Cambremer le sens de manoir, et de le considérer comme un graphie déformée de aula39. En effet, d'après l'acte de 1316, l'achat de l'évêque consiste en une masure seu haulle que nous pourrions traduire par une maison ou hall, située près du hall de l'évêque. Il semble que ce contexte documentaire permet d'exclure une halle de marché.

Le cas de Cambremer permet de noter en ce début du XIVe siècle une évolution du terme aula traditionnellement utilisé aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, pour désigner indifféremment le manoir ou le bâtiment et la salle noble qu'il contenait. Nous assistons à des confusions de graphie et à une extension de ce terme noble à des logements d'individus de rang modeste40.

 

29 - Livre Rouge, 1, p. 355.
30 - Livre Rouge, 1, p. 359 et 357.
31 - Livre Rouge, 1, p. 384-385.
32 - A. RENOUX, "Châteaux normands du xe siècle dans le De Moribus el Actis Primorum Normanniae Ducum de Dudon de Saint-Quentin", ds. Mélanges d'archéologie et d'histoire médiévales en l'honneur du Doyen Michel de Boüard, Paris, 1982, p. 328-333.
33 - V. MORTET et P. DESCHAMPS, Recueil de textes relauts à l'histoire de l'architecture et à la condition des architectes en France au Moyen Age, XIe-,VIe siècles, Paris, réed. 1995, I, p.252, II, p. 82-83.
34 - A. DEBORD, "Motte castrale et habitat chevaleresque", ds. Mélanges d'archéologie et d'histoire
médiévales en l'honneur du Doyen Michel de Boüard, Paris, 1982, p. 84.
35 - A. DEBORD, op. cil., 1982, p. 85.
36 - J.M. PESEZ, "Maison forte, manoir, bastide, tour, motte, enceinte, moated-site, wasserburg, ou les ensembles en archéologie", ds. M. BUR (dir.), La Maison forte au Moyen Age, Actes du Colloque de Pont-àMousson (1984), Paris, 1986, p. 337.
37 - M. BUR, "Pourquoi un colloque sur la maison forte au Moyen Age", ds. M. BUR (dir.), La maison forte au Moyen Age, Actes du Colloque de Pont-à-Mousson (1984), Paris, 1986, p. 7.
38 - Hala des marchands de Roye en Vermandois autorisée par Philippe Auguste en 1182, et de Rozoy-en Brie en 1216, halla des marchands de Paris citée dans la Chronique de Rigord et de Guillaume le Breton, ds. V. MORTET et P. DESCHAMPS, op. cil., 11, p. 145,147 et 224.
39 - Le dictionnaire de DUCANGE signale bien que hala, haulla et haula désignent le lieu où les marchands viennent vendre, mais possèdent aussi une autre acception, domus, domicilium, aula, palatium; l'auteur cite comme étant sans équivoque l'haula de l'abbé de Saint-Wandrille en 1267.
40 - En Bretagne, depuis le VIIIe siècle, au moins, le terme aula est utilisé pour désigner la grande salle noble aussi bien que le complexe résidentiel, ds. G.MEIRION-JONES, M.JONES et J.R.PILCHER, "The seigneurial domestic buildings of Britanny, 1000-1700, ds. G. MEIRION-JONES et M. JONES (dir.), Manorial domestic buildings in England and northern France, The Society of Antiquaries of London, 1993, p. 163.

3-3.Des vestiges probables (Pl.XXVI).

voir les photos

Sur la parcelle que nous identifions comme étant celle de la résidence épiscopale s'élève une maison du XVIIIe siècle dont le pignon ouest appartient à un édifice antérieur. Ce pignon, large d'environ 12 mètres, est épaulé à chaque extrémité et jusqu'à la retombée du toit par des contreforts , la partie centrale du mur est occupée par un conduit de cheminée saillant qui se rétrécit à mi-hauteur.

Ce pignon rappelle par ses dispositions celui de certains bâtiments récemment qualifiés de halls ou chamber-blocks 41. La Grange aux Dîmes de Rumesnil42, à 4 kilomètres au nord de Cambremer, est un hall à un bas-côté, de 12 mètres de large et de 27,50 m de long ; son pignon sud, épaulé de contreforts en croix, possède un conduit de cheminée saillant. L'ensemble était divisé en deux espaces à peu près égaux, aula et camera. E.Impey date ce bâtiment du milieu du XIIIe siècle et considère que ses structures pérennisent des formes remontant aux XIe et XIIe siècles.

Le pignon de Cambremer n'est pas sans rappeler, en moins imposant, celui du chamber-block de Douvres-la-Délivrande (Pl. XXXI) dont l'édification est datée par E.Impey du XIVe siècle.

Si le pignon de Cambremer est bien celui de la résidence épiscopale les comparaisons qui précèdent ne nous sont que d'un piètre secours pour tenter une datation mais elles permettent d'éclairer la formule halia/haula encore utilisée au début du XIVe siècle. Elle désigne l'ensemble de la résidence tout en en privilégiant la structure la plus prégnante, le pôle noble, le bâtiment qui abritait la salle noble, l'aula.

41 - E. IMPEY, "Seigneurial domestic architecture in Normandy, 1050-1350", ds. G.MEIRION-JONES et M.JONES (dir.),.Manorial domestic buildings in England and northern France, The Society of Antiquaries of London, 1993, p. 82-120.
42 -
E. IMPEY, op. cil., p. 108-109.

Conclusion

  L'incertitude dans laquelle nous laissent les sources ne permet pas de conclusion véritablement probante en ce qui concerne la résidence de Cambremer. Les questions restées sans réponses sont nombreuses.

Le manoir primitif est-il contemporain de la première attestation du domaine dans le premier tiers du XIe siècle ? La construction a-t-elle été la conséquence de l'entrée de l'exemption dans l'évêché de Bayeux pour affirmer la présence épiscopale dans un territoire jusque là étranger au diocèse ?

Le vocabulaire médiéval pour désigner le séjour et les maigres vestiges que nous pensons pouvoir lui attribuer inclinent à la considérer comme ressortissant du type des maisons fortes.

L'absence de toute attestation de séjour épiscopal à Cambremer ne doit pas être considérée comme l'indice que la résidence n'a jamais été visitée par les prélats.

Enfin, l'absence de toute mention dans les sources modernes laisse à penser qu'à partir d'une date indéterminée (XVe siècle ?) elle a perdu les faveurs des prélats.

Bibliographie - Sources

Sources manuscrites

- ADC, 1 Q 3 28. soumission pour les biens nationaux à Cambremer en 1790.
- ADC, G chapitre de Bayeux, 421. Dénombrement du temporel de l'évêché de Bayeux en 1475.

Sources imprimées

- V. BOURIENNE, Antiquus cartularius ecclesie bajocensis ou Livre Noir, Rouen, 1902-1903.
- ANQUETIL, Livre Rouge de L'évêché de Bayeux, 1908-1911.

Bibliographie

- A. GUILMETH, Notices sur diverses localités du Calvados, Cambremer, Rouen, sd.

Iconographie, cartes et plans

- Carte de Cassini.
- Cadastre de 1811, éch. 1 /2500.
- Carte IGN, éch. 1/25000.
- Photo aérienne, IGN, 1984, éch.1/20000.

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